ME HABIB VITIN SUR LA CRISE AU SOMMET DE L’ETAT : ‘’En moins de 2 ans, ce qui aurait dû être un projet unificateur, devient un facteur de désorganisation…’’

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La situation tendue au sommet du pouvoir ne laisse pas insensible Me Habib Tine. Dans cet entretien accordé à Vox Populi, le notaire et leader du Mouvement Thiès d’abord, analyse sans détour cette crise, non sans afficher ses ambitions pour la mairie de la ville de Thiès.
Quel commentaire faites-vous de la guéguerre politique qui secoue le pouvoir depuis quelques jours ?
Je trouve que c’est vraiment écœurant et profondément dommage pour le pays et pour les citoyens. A un moment où le Sénégal fait face à des défis économiques, sociaux, environnementaux et budgétaires majeurs, voir les hautes autorités s’enliser dans des querelles d’ego donne une image triste et préoccupante.
Cette situation crée une fatigue citoyenne, une perte de confiance, et renforce l’impression que les priorités réelles, le coût de la vie, l’emploi des jeunes, la stabilité économique, la sécurité, passent après les rivalités politiques. Pour les investisseurs nationaux comme internationaux, elle nourrit le doute sur la stabilité décisionnelle et la capacité du gouvernement à parler d’une seule voix.
Pire encore : dans un contexte sous-régional marqué par l’instabilité, les attaques terroristes, l’effondrement sécuritaire au Mali, se permettre des querelles d’ego au sommet de l’exécutif n’est pas seulement une faute politique, c’est une faute stratégique majeure.
J’espère sincèrement qu’il n’existe pas de non-dits plus sérieux derrière cette guéguerre politique. Car si cette crise au sommet de l’Etat cache des enjeux plus graves que ce que l’on montre au peuple, alors ce serait une faute politique lourde envers le peuple sénégalais. A un moment où le pays a besoin de clarté, de cohésion et de vérité, personne n’a le droit de jouer avec la confiance nationale.
Le pays mérite mieux. Les Sénégalais méritent mieux. Il est temps que la responsabilité l’emporte sur les ambitions personnelles. Il est temps de mettre fin à cette guéguerre qui détourne le pays de l’essentiel.
Est-ce que vous vous attendiez à une telle situation qui a fini par déteindre sur le parti au pouvoir ?
Je pense que personne n’a voulu y croire, ni les citoyens ni les cadres et militants de PASTEF. Pourtant, l’histoire politique du Sénégal montre que les duos au sommet du pouvoir sont toujours fragiles, surtout quand ils sont portés par une ascension rapide et spectaculaire. La manière dont PASTEF est arrivé au pouvoir, combinée à la non-expérience des deux dirigeants dans la gestion des affaires de l’Etat et aux fortes promesses électorales, laissait déjà entrevoir, pour tout observateur averti, la possibilité d’une crise.
Même si les Sénégalais n’ont jamais souhaité une telle situation, tant elle a des impacts négatifs sur le pays, sur la Coalition Diomaye Président et sur le parti PASTEF, il faut reconnaître que ce duo avait été présenté avec une virtuosité médiatique et politique, construite et vendue aux Sénégalais, qui l’ont adhéré et soutenu avec enthousiasme. Aujourd’hui, la réalité rattrape cette image parfaite.
Ce qui surprend par contre, c’est qu’à peine 18 mois après la prise du pouvoir, cette guéguerre éclate avec une telle rapidité et provoque des effets négatifs considérables sur le pays et le parti PASTEF.
En moins de deux ans, ce qui aurait dû être un projet unificateur, devient un facteur de désorganisation et d’affaiblissement stratégique. Cela montre combien un leadership non expérimenté, face à des enjeux de pouvoirs complexes, peut transformer des tensions internes en crise pour tout un parti.
Cette situation démontre aussi à quel point la perception et la communication des militants du parti PASTEF peuvent masquer, mais jamais empêcher, les failles profondes dans la gestion du pouvoir.
Il n’y a rien de plus dangereux, pour un pays comme pour un parti, que des ambitions personnelles laissées sans cadrage. Cette situation illustre les limites d’un leadership centré sur le charisme et les promesses, plutôt que sur la préparation, l’organisation et la cohésion institutionnelle.
Ce que l’on observe aujourd’hui est la conséquence logique de ces facteurs, et elle sert d’avertissement sur la nécessité de gouverner avec expérience, responsabilité. Aussi, je suis parfaitement en phase avec ceux qui disent que le Sénégal n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes.
Malgré cette crise et ses effets négatifs, je crois que le Sénégal reste maître de son destin. Avec du dialogue, de la responsabilité et un leadership soudé, il est toujours possible de restaurer la cohésion, renforcer les institutions et répondre aux attentes légitimes des citoyens.
Comment expliquez-vous la morosité économique qui sévit dans le pays ?
Présentement, il n’est pas besoin d’être expert pour comprendre pourquoi l’économie va mal : non-reconduction du programme avec le FMI, dette lourde, non-accès aux marchés internationaux, baisse des dons et aides extérieures, chantiers arrêtés, inondations qui affectent les villes et les villages, et une taxation tous azimuts qui frappent directement le porte-monnaie des familles.
Aussi, les engagements financiers annoncés à coût de plusieurs milliards de FCFA par le Premier ministre lors de ses voyages, qualifiés de diplomatie économique, ainsi que les promesses d’investissement issues du Forum économique organisé par l’APIX, tardent à se traduire en projets réels. Pour les Sénégalais, ce décalage entre annonces et réalisations, nourrit l’impatience, la frustration et le doute sur l’efficacité du gouvernement.
Enfin, la baisse continue de la note souveraine et la menace d’une restructuration de la dette, plongent le Sénégal dans l’incertitude. Pour les Sénégalais, c’est moins de pouvoir d’achat, moins d’emplois, moins de santé, moins de sécurité, moins d’éducation, plus de pauvreté et un avenir économique de plus en plus sombre.
Toutes ces réalités se traduisent par une vie quotidienne plus chère et plus difficile, et par un sentiment d’impuissance face à l’accumulation des problèmes. Les prix ne cessent de grimper, que ce soit la nourriture, le carburant, l’électricité ou les produits de première nécessité. Les revenus stagnent, et beaucoup de familles peinent à joindre les deux bouts.
Le pays ne peut pas se permettre de l’inaction. Les citoyens ne doivent pas payer seuls les pots cassés, ni supporter cette lourde charge par une augmentation tous azimuts de la pression fiscale. L’Etat a le devoir de protéger le peuple et de partager équitablement les efforts.
Que prônez-vous pour que le Sénégal puisse sortir de cette impasse politique, sociale et économique ?
Pour sortir de cette impasse politique, sociale et économique, le gouvernement doit agir rapidement et de manière décisive.
Je pense qu’il faut mettre fin immédiatement à la guéguerre au sommet de l’Etat, et le Président de la République doit prendre ses responsabilités, trancher clairement et sans délai : continuer avec son Premier ministre ou sans lui. De toute façon, la question se pose aujourd’hui. Le Premier ministre Ousmane Sonko, inspire-t-il encore la confiance des marchés et des investisseurs ? Les marchés, les investisseurs et les préoccupations des Sénégalais ne peuvent plus attendre.
Aussi, face à cette situation tendue et incertaine, il faut un sursaut national. Il est nécessaire d’associer à la recherche de solutions durables toutes les compétences du pays, aussi bien à l’intérieur qu’au sein de la diaspora, et bannir toute forme de suffisance ou d’arrogance dans la gestion des affaires publiques. PASTEF et la Coalition Diomaye n’ont pas le monopole du cœur, nous aimons tous notre pays, le Sénégal.
Le train de vie de l’Etat doit être drastiquement réduit, et la rationalisation des agences nationales doit être concrétisée sans délai. Le gouvernement doit donner l’exemple.
Le gouvernement doit aussi, décider s’il y aura restructuration de la dette ou non, afin de clarifier la trajectoire économique du pays. Si une restructuration de la dette n’est pas envisageable, il doit présenter un plan de relance crédible et concerté, en accord avec le FMI, visant à soutenir les entreprises, créer des emplois et protéger le pouvoir d’achat des Sénégalais. La population doit être informée avec sincérité des défis et solutions envisagées.
Il est également urgent de relancer les chantiers suspendus, car les audits et retards ont trop duré et assouplir les lourdeurs administratives nées des décisions de suspension des opérations immobilières et qui paralysent les investissements publics et privés.
Les recommandations issues des Assises nationales de la justice doivent être mise en œuvre sans retard. Une justice plus efficace, transparente et accessible est un levier pour renforcer la confiance des citoyens et des investisseurs dans l’Etat.
Enfin, il est temps d’entamer sérieusement l’industrialisation du pays, seule voie capable de créer des emplois, d’assurer la souveraineté économique et alimentaire, et de mettre fin aux slogans creux.
En agissant de la sorte, l’Etat pourra non seulement stabiliser l’économie et protéger les citoyens, mais aussi restaurer la confiance dans le leadership national et dans les institutions. C’est la seule manière de transformer les promesses en résultats tangibles et de redonner espoir à tous les Sénégalais.
Vous avez commémoré au mois d’août le premier anniversaire de votre mouvement Thiès d’abord. Peut-on s’attendre à ce que vous briguiez la mairie de la Ville de Thiès ?
Plus qu’une ambition personnelle, c’est une forte demande de la population Thiessoise. En seulement une année d’engagement citoyen à travers le mouvement Thiès d’abord, nous avons pu démontrer des résultats concrets et visibles, qui ont convaincu les habitants que nous représentons une véritable alternative pour la ville.
La Coalition Thiès d’abord, qui se présente comme une liste citoyenne, sera donc candidate à toutes les communes, à la ville et au département de Thiès. Notre objectif est clair : offrir aux citoyens un leadership proche, engagé et tourné vers le bien commun, et montrer qu’un projet citoyen sérieux peut transformer concrètement la vie sociale.
A ce jour, notre programme est largement connu des Thiessois, grâce au document stratégique que nous avons élaboré et intitulé «Vitrine d’une trajectoire». Ce document présente nos engagements concrets, nos priorités pour la ville, et montre que notre action n’est pas seulement théorique, mais ancrée dans une vision claire et réaliste pour le développement local.
Quels sont les principaux maux dont souffre la ville de Thiès?
La ville de Thiès souffre de plusieurs maux qui freinent son développement et affectent directement le quotidien des habitants. Tout d’abord, il existe une opacité totale dans la gestion des finances publiques locales et dans l’exécution du budget, ce qui empêche une utilisation transparente et efficace des ressources publiques. Ensuite, la participation citoyenne est souvent ignorée ou entravée, privant les habitants de tout rôle réel dans les décisions qui les concernent.
Les services sociaux de base, tels que la santé, l’éducation, la sécurité et le cadre de vie, sont relégués au second plan par les maires, au profit de dépenses de prestige qui ne répondent pas aux besoins essentiels de la population.
L’insécurité, quant à elle, devient un problème croissant qui inquiète quotidiennement les Thiessois. De plus, de nombreux chantiers sont arrêtés pour défaut de planification, et les jeunes et les groupements de femmes restent largement délaissés, sans accomplissement ni opportunités concrètes.
Ceci malgré les atouts et richesses de la ville, qui pourraient en faire un véritable moteur économique et social pour le développement économique et social pour le département et la région de Thiès.
Ces difficultés montrent que Thiès a besoin d’un leadership transparent, responsable et tourné vers le bien-être de tous ses habitants, capable de valoriser ses ressources et de transformer son potentiel en développement réel.
Le mouvement Thiès d’abord et son président, Me Habib Vitin, constituent aujourd’hui la meilleure chance de rupture positive pour Thiès : une vision, une méthode, et surtout des résultats qui parlent plus fort que les discours.
J’offre à la ville de Thiès une alternance crédible fondée sur la transparence, la participation citoyenne et une gouvernance moderne vers les besoins réels de la population.
(Vox Populi)


